L'heure espagnole - L'enfant et les sortilèges

Réconcilier lors d’une seule soirée deux œuvres aussi disparates que L’Enfant et les sortilèges et L’Heure espagnole - les deux seuls opéras de Maurice Ravel - pourrait bien exiger un acte de sorcellerie. Quel point commun en effet entre les tourments surnaturels infligés à un garnement capricieux, et les stratagèmes cocasses élaborés par une horlogère de Tolède pour mieux jongler entre ses amants ? C’est que la tension entre le conte initiatique et la scène de genre aux accents satiriques ne fait que refléter les contrastes propres à la modernité artistique de Ravel, savante alchimie de fracas et d’onirisme qui mêle à l’exigence de la pensée orchestrale, une extravagante diversité d’inspirations musicales. Toute la cohérence de ce riche imaginaire se voit ici révélée par le metteur en scène Jean-Louis Grinda qui, grâce à un savant jeu de chassé-croisé dramaturgique et visuel, en résout les apparentes contradictions. Et tandis que la féérie enfantine gagne en réalisme, le quotidien soudain s’abstrait de sa familiarité, exposant dans un même geste la délicieuse fantaisie de l’ordinaire comme le fond de vérité qui se niche au creux des rêves et des cauchemars… Une proposition artistique subtile et profondément attentive à la drôlerie irrésistible de ces deux chefs-d’œuvre du début du XXe siècle, où tendresse et cruauté, ironie et poésie affleurent constamment.

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